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Le navigateur Yoann Richomme faisant face à la tempête pendant la Route du Rhum 2018

Yoann Richomme face à la tempête

Coups de vent et mer hachée en direction des Açores. Yoann Richomme nous l’avait confié peu de temps avant de prendre la Route du Rhum. Cette course s’annonçait être « une belle bagarre ».

48h après le début de la course, le skipper occupe toujours la première position dans sa catégorie: la Class40. Et ce, malgré un passage houleux dans la nuit du 06 au 07 novembre, survenu dans le Golfe de Gascogne. Un épisode périlleux à l’origine de plusieurs « dématages », pour Sam Goodchild (Mexico) et Isabelle Joschke (France). Aussi chevronné que persévérant, notre navigateur a tenu bon au cœur de la tempête, à bord de son bateau flambant neuf, le « Black Mamba » : 

« Franchement, j’ai l’impression d’être dans un marteau piqueur. La mer est hachée, dégueulasse et je préfère patienter quelques heures que le front me passe dessus. Ça me fera surement un peu de perte, mais le bateau et moi, on souffre déjà assez comme ça », confie-t-il à ses followers.

Avec une trentaine de milles d’avance sur la flotte des Class40, et 40 milles d’écart en latéral, le skipper garde néanmoins la tête « froide » :

« Le but, c’est de sortir de là indemne. Je ne perds pas ça de vue et j’essaie de me caler quelques petites siestes pour rester lucide en pensant que normalement, ce bord nous emmène dans l’anticyclone qui devrait comme par magie s’ouvrir à notre passage, même si ça reste à voir ».

Yoann Richomme, le challenger de la Route du Rhum 2018 en class40.

A l’occasion d’un entretien passionnant avec bSmart, Yoann Richomme nous avait annoncé la rudesse et les conditions de vie particulièrement corsées sur le départ de la course :  

« Le démarrage de la Route du Rhum est un moment très spécial et très dur sur le plan émotionnel. Dans le cadre du village, 12 jours avant le départ, on voit passer beaucoup de monde. La famille est présente et on stocke beaucoup d’émotions. Le jour J, sur le quai, c’est toujours très intense. Il y a 123 bateaux sur la ligne de départ, qui de facto se trouve extrêmement encombrée. Les premiers jours de course entre la France, l’Espagne et les îles des Açores, de Madère et des Canaries marquent la période la plus rude de la régate. On sait qu’on part pour une poignée de jours très difficiles, dans le froid et l’humidité, à consommer 4000 ou 5000 calories par jour, ce qui implique de manger en permanence… et dormir assez peu. Mais dormir suffisamment quand même pour rester lucide !

L’objectif numéro 1 : ne rien casser et éviter de rentrer en collision avec un autre bateau. Le mois de novembre marque l’arrivée de conditions hivernales et donc le soleil se couche  très tôt et il fait très froid. Lorsque la flotte quitte les eaux de la Bretagne, elle trouve les tempêtes de l’Atlantique Nord. Quelques heures à peine après avoir quitté Saint-Malo, nous sommes plongés dans la nuit et dans le froid, remplis de stress avec peu de nourriture dans l’estomac. Cette première nuit de course donne le signal de 3 à 5 jours de « baston » comme on dit. C’est rude. Le bateau « tape » beaucoup. Certaines petites casses qui peuvent intervenir sont tolérables, d’autres plus graves impliquent une perte de vitesse pour nous permettre de réparer. Dans certains cas particulièrement difficiles, les navigateurs sont obligés d’abandonner. On tire ainsi sur la machine, parce que l’on veut sortir de là en premier. Tirer sur la machine implique de prendre des risques par rapport au matériel.

C’est un moment éprouvant physiquement et mentalement, mais c’est assurément un moment décisif de la course. Il devient très dur pour les différents navigateurs de rattraper celui qui crée l’avantage à ce moment-là. Une fois que l’on est sorti de cette partie de la course, on se rapproche de l’Equateur et les conditions deviennent plus clémentes. Elles s’améliorent ensuite jusqu’en Guadeloupe ».


Les conditions du départ de la Route du Rhum 2018.

Aux conditions extrêmes, surtout lors des premiers jours de la course, il faut ajouter un confort des plus spartiates et une organisation préparée longtemps à l'avance pour optimiser les performances :

« Dans cet environnement hivernal, le ressenti en termes de température est de -5 degrés. Aussi notre combinaison c’est cagoule et gants de pêcheurs. Dans les 3 premiers jours, je me change facilement 3 ou 4 fois. Dès qu’une manœuvre à l’avant se présente, je suis trempé de la tête aux pieds. Il me faut alors retirer mes vêtements, ouvrir le sac suivant, m’habiller à nouveau... Tous les sacs de change pour les vêtements, la nourriture, les instruments de réparation en cas d’avarie font l'objet d'une préparation très minutieuse, réalisée au moins un mois avant le départ ».

Maintenir un niveau de performance et d’organisation dans de telles conditions nécessite un équilibre, ainsi qu’une préparation physique et mentale exceptionnelle. Sur ce point, Yoann Richomme nous en dit plus sur ce qui fait selon lui un bon skipper :

« Cet équilibre est indispensable. Ce niveau technique et d’entraînement très poussé, je le dois au Centre Finistère Course au Large, qui est l’équivalent de Marcoussis pour le Rugby ou de Clairefontaine pour le football. J’y suis formé sur beaucoup de sujets : la traversée de l’Atlantique bien sûr, mais aussi la météo, l’analyse de nos performances, les soins médicaux que l’on peut être amené à s’administrer en pleine mer... Il y a beaucoup de choses à faire à bord des bateaux : vérifier les conditions météorologiques, sa position et celle des autres, décider de la route et du cap à prendre, réparer le bateau en cas d’avaries. La gestion du sommeil est aussi capitale et représente un pan important de la préparation mentale

En solitaire, on se doit d’être en veille quasiment en permanence. Ce qui est impossible parce qu’il faut bien dormir sur une course de 15 jours. Sur la Route du Rhum, les cycles de sommeil sont courts, de 3 à 4 h par jour minimum. Pour des raisons de sécurité, il faut être capable d’avoir un champ de vision clair autour de nous, afin d’éviter de rentrer en contact avec un autre bateau ou tout autre objet à la dérive. Pour cette raison, on ne peut dormir plus de 20 min d’affilée. Ce timing drastique permet également de vérifier que le bateau marche à 100 % de ses capacités. Au-delà, nos performances en prennent un coup. Le plus difficile est d’arriver à s’endormir rapidement pour ne pas perdre trop de temps. Cela nécessite pas mal d’exercices de relaxation et de sophrologie qui permettent d’obtenir des choses assez exceptionnelles, comme s’endormir quasiment automatiquement, et se retrouver sur pied, sans phase de réveil, après 20 min. C’est quelque chose que l’on obtient avec de l’expérience et qui est assez incroyable.

On est obligé d’aller chercher un petit peu plus loin la performance au tréfonds de nous-même. En complément, je suis une méthode qui s’appelle Action types, qui permet de se connaître, de s’analyser et d’utiliser ses propres ressources de la meilleure façon possible. On améliore ainsi nos capacités de concentration et de dépassement en allant chercher des ressources qui sont plus ou moins cachées. C’est devenu une partie importante de notre sport et c’est comme cela que les meilleurs arrivent à gagner aujourd’hui ! »

Déterminé et ambitieux, Yoann Richomme est, à l’heure où nous publions ces lignes, en tête de course dans sa catégorie. En solitaire ? Pas tant que ça : les lecteurs de bSmart l’accompagnent au cœur de la tempête !

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